EITB

Théâtre « Le Lac »

Silence on bouge !

Aujourd’hui au Studio théâtre de l’EITB à Togbin, « le lac » de Djo Kazadi Ngeleka, mis en scène par Bardol Migan.

« Le lac » nous parle du congolais d’aujourd’hui sapeur comme tout mais souffrant comme un diable qui trime, vrille au quotidien et s’obstine à croire dur comme fer à un avenir meilleur dans un présent en réalité sans issue. Alors, il chante, il danse, il boit à faire péter le foie. Pour lui, « la vie est belle malgré les peines qui nous enchainent ». Maryse Condé décrivant la vie d’un peuple noir imaginaire dans sa pièce  » mort oluwéni d’Adjumako » dit par la bouche d’un de ces personnages : « le sexe à outrance est notre victoire à nous, peuple de vaincu ». Le sexe chez nous en Afrique pour bon nombres est un remède contre l’ennui. C’est la seule activité de jouissance de la vie qui nous reste dans notre existence précaire. Et on enfante et on se multiplie comme les larves de moustiques dans la marre, dans la jarre et ont rempli davantage nos terres au lieu de les travailler, bref. Ici, c’est le KO total, total est le KO.

 

Pour sa carte blanche, Bardol Migan a choisi le texte atypique « le Lac » du congolais Djo Kazadi Ngeleka. Un auteur qui désigne ses personnages dépourvus d’identités : vieux – jeunes – voix dans la foule – ça raconte presqu’une chosification du personnage au théâtre. Ne pousse-t-il pas le bouchon plus loin que les écrivains du peloton des absurdes comme Ionesco, Beckett, Camus et autres qui ont engendrés dès le 20ème siècle une véritable crise du personnage qu’il ne nomme plus tout en éliminant son caractère psychologique ? Le comble ici, c’est que Djo Kazadi Ngéléka nous livre une sorte de théâtre épique où les didascalies sont conçues comme des dialogues avec des personnalités politiques connues, un alibi pour passer du faut récit au jeu théâtral.

 

Toutes les didascalies du texte « dramatique » qui tiennent lieu en même temps de personnages se réduisent en 5 expressions :

« Au vieux de dire :

« Au jeune de dire :

« Aux voix dans la foule de dire :

« A une voix dans la foule de dire :

Ça raconte :

 

Ecoutez un bout de ce texte original et métaphorique de ce théâtre de cri à la Djo Kazadi Ngéléka :

« Aux voix dans la foule de dire :

Un mec a dit, qu’un mec a dit, qu’un mec a entendu, que quelqu’un a entendu, que quelqu’un a vu un camion pompier.

Et que ce camion pompier avait dans son réservoir l’eau pour éteindre l’incendie déclarée à l’aéroport.

Parce qu’un mec a dit, qu’un mec a dit, qu’un mec aurait dit au chef pompier que le lac est en feu.

Et que le chef pompier a seulement entendu le mot « feu » et qu’il n’a pas voulu savoir la suite, il a vite dépêché le chef de l’opération avec des camions anti-incendie.

C’est alors qu’un mec a dit, qu’un mec a dit, qu’un mec a vu le chef pompier sortir en cascade avec ses camarades pour éteindre le lac.

Un mec a dit, qu’un mec a dit que quand ils sont arrivés sur le lieu, le chef de l’opération a ordonné à ses camarades d’éteindre le lac.

Les camarades du chef de l’opération ayant vu que le lac n’est pas en feu, ont dit au chef de l’opération de ne pas éteindre le lac parce qu’il n’est pas en feu»…

 

A la générale d’hier jeudi 23 mars, j’ai assisté à un spectacle pathétique et émouvant, agréablement surpris par la truculence du jeu des acteurs, le passage astucieux et fluide du texte au chant et de la musique à la parole en transitant par la danse, le tout orchestré avec talent par Bardol Migan, le metteur en scène.

 

Chers amis du théâtre, c’est donc ce soir vendredi 24 mars et samedi 25 mars à 20h.

Soyez tous en public chez vous au studio théâtre de l’Atelier Nomade à Togbin.

 

Alougbine Dine

 

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