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« Pacamambo » de Wajdi Mouawad mise en scène par Judicaël AVALIGBE

"Pacamambo" de Wajdi Mouawad mise en scène par Judicaël AVALIGBE

Silence ! On bouge… ! 
 
Il faut voir PACAMAMBO à tout prix avec vos enfants ! L’enfance, ce grand territoire d’où chacun est sorti ! D’ où suis-je ? Je suis de mon enfance. Je suis de mon enfance comme d’un pays. Antoine de Saint-Exupéry en littérature, depuis toujours, les adultes écrivains se substituent à l’enfant et parlent en son lieu et place. Ils parlent d’une enfance dont ils ont le sentiment d’avoir été chassés expulsés, d’où l’écriture des fictions nostalgiques et mélancoliques sur l’enfance, comme un paradis perdu. 
 
A ce propos, j aborde d’emblée les œuvres pionnières , œuvres de l’âge héroïque de l’émergence de la littérature pour enfant, le milieu du 19è siècle et du 20è siècle, 4 classiques mythiques. Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (1832-1898), Peter Pan de James Barrie (1860-1937), Le Petit Prince de Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944), et enfin, plus proche de nous géographiquement et temporellement, L’Ivrogne dans la brousse de Amos Tutuola (1920- 1977), le premier roman d’Afrique noire écrit en anglais. Toutes ses œuvres romanesques sus-citées mille fois adaptées au théâtre comme au cinéma sont aujourd’hui mondialement connues même si l’africaine l’est moins . 
 
Alice au pays des merveilles est née d’un conte improvisé par Lewis Carroll aux trois petites filles Liddell le 4 juillet 1862. Transcrit sous forme de récit il est édité en 1865. Dans ce roman Lewis Carroll fait vivre à Alice des aventures oniriques aussi instructives que fantaisistes . Entrant dans le terrier et tombant dans un trou qui ouvre la porte du pays des merveilles. Lewis Carroll agite l’émerveillement,l’illogique ,l’intemporalité, l’absurde, le rêve. Et voilà qu’un siecle environ après l’existence de Lewis Carroll surgit Wadji Mouawad avec PACAMAMBO qui nous confronte à Julie un personnage de notre époque qui nous apprend que l’émerveillement est le premier pas vers la connaissance et que le rêve désarticule nos perceptions, efface l’identité, alors que le recours aux choses réelles de ce monde conduit à la conscience intime du moi. Wajdi, lui, convoque sur scène la mort, une réalité existentielle tangible mais non sans poésie.
 
En effet, la petite fille Julie par amour n’accepte pas le décès de sa grand – mère et décide de rester auprès de son cadavre en se cachant à la cave avec son chien. Elle rejette l’inéluctable, combat l’ évidence , engage une course contre le temps et dialogue avec la mort qui lui souhaite une bonne vie avant de s’en aller. C’est là que Wajdi flirte avec l’irréel sans nous amener ni dans le terrier comme Lewis Carroll ni chez les fantômes comme Amos Tutuola. La mort fait peur à tout le monde, enfant et adulte, pourtant , c’est autour de ce sujet que Wajdi nous convit. Judicael Avaligbé, le kromo est bien complice de cette audace et met en scène Pacamambo avec simplicité, finesse et talent…Rolly Godjo, Ornela Fagnon, Jean-Louis Kédagni, Sidoine Agoua et Eminence Hongbété sous la direction du metteur en scène, électrisant l’espace, rivalisent de dextérité dans le jeu pourtant choral en grande partie, presque une chorégraphie . En tout cas Kromo, par ce travail sobre, sans prétention mais éminemment puissant nous prouve qu’on peut cartonner en stand up comme en mise en scène avec un égal bonheur surtout quant on est passé par une école. Je vous invite donc à voir PACAMAMBO de Wajdi Mouawad mise en scène par Judicaël Avaligbé. 
 
Alougbine Dine

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