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« Chasser les fantômes » d’Hakim Bah, mise en scène par Cybelline deSouza

"Chasser les fantômes" d’Hakim Bah, mise en scène par Cybelline de Souza

Silence on bouge ! Le 19 janvier 2024 à l’EITB et le 20 janvier au Centre culturel et touristique Ouadada, j’ai assisté à la représentation théâtrale de « Chasser les fantômes » d’Hakim Bah, mise en scène par Cybelline de Souza, avec un égal bonheur. Armée de moyens simples : un paravent à 5 panneaux roulants, deux valises, 4 tabourets, le plancher tapis d’une bâche blanche, un élément sonore, des voix et des corps de 3 interprètes, Cybelline nous a livré un spectacle croustillant avec un texte lumineux. C’est une fiction à deux personnages à travers un couple mixte, notamment une femme blanche et un homme noir qui s’aiment : Roxane et Marco. Les deux protagonistes sont de bonne foi et brulent d’envie d’un vivre-ensemble mais « la trivialité du quotidien indubitablement dessouche des réalités qui viennent user progressivement le tissu relationnel de ce couple jusqu’à la déchirure ». J’ai souvenir d’avoir vu cette belle pièce en 2022 au Festival Off d’Avignon, au Théâtre des Halles, dans une mise en scène remarquable d’Antoine Oppenheim. Sur une scène dénivelée, il y avait le couple et un musicien. C’était sublime. Mais ici, Cybelline de Souza a privilégié une bande son qui agit comme un troisième personnage. Par contre, elle a dédoublé Roxane. Marco se bat tout seul contre deux femmes qui l’accablent. Décidément, Cybelline a une dent dure contre les hommes. Sa précédente mise en scène avait le même ton, mais on peut dire à sa décharge que ce parti pris laisse mieux entendre le beau texte du Guinéen Hakim Bah, parfois scandé en chœur et proféré tel un réquisitoire de Roxane qui se positionne en victime dans ces pertes de vitesse. La proposition de Cybelline en toute finesse et simplicité est réglée comme un ballet relevé par un travail de son pointilleux véritable baromètre de graduation des émotions. Les interprètes Carlos Adékambi Zinsou, Nicole Wida et Mauricette Togni avec talent et dextérité nous mènent pas à pas de la bienveillance à l’amour, de la sensualité à l’hilarité, de l’illusion à la désillusion, et enfin de la rupture jusqu’à la casse, telle une tasse de café de Roxane tombée au sol et brisée en morceaux après un choc violent. « Ma tasse Oui, Je ne prendrai plus du café dans ma tasse, Elle n’est plus récupérable Non Non Je dis elle s’est cassée On ne peut pas la réparer Non … Tout est en morceau. » Cette parole à mon avis métaphorique mise à la bouche de Roxane n’est-elle pas une prémonition du suicide de Marco qui survient à la fin de la pièce ? Pourquoi le désir de l’ailleurs est-il toujours si fatal quelle que soit la porte d’entrée envisagée ? L’alliage interracial et interculturel si beau ne serait-il plus l’avenir de l’humanité ? L’éducation interculturelle pourrait-elle devenir la solution à des déchirements et chocs entre les cultures ? Où mettre la tête aujourd’hui dans un monde où un petit microbe du covid-19 est si fort pour venir mettre en mal les certitudes de l’humanité toute entière ? En tout cas, ce spectacle est un code de vie que les jeunes africains et africaines doivent absolument lire et vivre, surtout ceux et celles qui sont nombreux à rêver et à guetter l’arrivée des touristes blanches et blancs pour jeter leurs filets. Je vous invite donc à voir ce spectacle si simple si beau et si plaisant, même si je souhaite que Cybelline ajoute encore quelques portions de texte larguées, même si le spectacle doit durer 5 minutes de plus. Alougbine Dine

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